Tibère Laurence, Dupuy Anne, Poulain Jean-Pierre, « Obésité et image du corps: quelles attitudes face au regard de l’Autre ? », Corps, 2019/1 (N° 17), p. 243-256. DOI : 10.3917/corp1.017.0243. URL : https://www.cairn.info/revue-corps-2019-1-page-243.htm

« Les sociétés modernes créent des obèses mais elles ne les supportent pas » (Trémolières et al., 1968). C’est en ces termes que Jean Trémolières résumait la curieuse ambiguïté de notre rapport à l’obésité. Elle est probablement une des plus dures épreuves de modestie scientifique à laquelle est confrontée l’époque moderne. La plupart des actions de recherche en nutrition et sur l’obésité sont conduites aux États-Unis. Il n’y a pas de pays ayant autant investi en matière d’éducation nutritionnelle sans avoir à aucun moment réussi à infléchir le développement de cette pathologie (Poulain, 2009 ; Brewis et al. 2011). Un des enjeux les plus complexes de la lutte contre l’augmentation de l’obésité consiste à éviter que le discours sanitaire ne vienne renforcer la recherche obsessionnelle de la minceur et, à travers elle, la stigmatisation de l’obésité (Cogan, 1999). En effet, le regard social réprobateur qui pèse sur les obèses et la dévalorisation morale dont ils sont l’objet, génère des souffrances qui renforcent la prise de poids (Puhl et Heuer, 2010). Ils conduisent aussi à une légitimation des formes de discrimination à l’égard des personnes obèses, processus qui sous la pression du modèle d’esthétique de minceur, s’étendrait aujourd’hui aux sujets en surpoids. La discrimination envers les personnes corpulentes s’étend au domaine professionnel, au niveau de l’embauche mais aussi à celui de la progression de carrière (Amadieu, 2005, 2008 ; Baromètre DDD/OIT, 2016). Plus que jamais, le corps est devenu un capital que l’on gère et sur lequel on investit en tant que signifiant de son statut social (Poulain, 2009 ; Saint-Pol, 2010)…

Contacts :
Laurence Tibère, tibere@univ-tlse2.fr 
Anne Dupuy, anne.dupuy@univ-tlse2.fr
Jean-Pierre Poulain, poulain@univ-tlse2.fr