"Ressentir l'industrialisation des transformations alimentaires. L'émotion, un fait social et politique."

Thèse de doctorat en sociologie, réalisée au sein du laboratoire sous la direction de Laurence Tibère et de Jean-Pierre Poulain

le jeudi 14 mars 2024 à 14h

en salle D29
Maison de la Recherche
Université Toulouse Jean Jaurès

Lien de la visioconférence 

La soutenance sera suivie d’un pot sur la plateforme Ovalie, auquel vous êtes toutes et tous chaleureusement invités.

Illustration pour le CERTOP-soutenance de thèse

Mots Clés

> Alimentation

> Émotion

> Problèmes publics

> Controverse

> Aliment ultra-transformé

> Transformations alimentaires

> Industrialisation

Composition du Jury

Laurence Roulleau-Berger, Directrice de recherche émérite, CNRS (Rapporteure)

Enguerran Macia, Directeur de recherche, CNRS (Rapporteur)

Anne Dupuy, Maîtresse de conférences, Université Toulouse Jean Jaurès (Examinatrice)

Julien Bernard, Maître de conférences HDR, Université Paris Nanterre (Examinateur)

Laurence Tibère, Professeure des universités, Représentante de l’IRD à La Réunion (Directrice)

Jean-Pierre Poulain, Professeur des universités émérite, Université Toulouse Jean Jaurès (Co-directeur)

Résumé de la thèse

Dans la société française contemporaine, les transformations alimentaires industrialisées font l’objet de discussions passionnées. L’industrialisation de l’alimentation est au cœur de débats tant dans les médias grand public, les instances gouvernementales, que dans la communauté scientifique. Cette thèse distingue différentes logiques de catégorisation des transformations alimentaires, et analyse les émotions qu’elles suscitent. Comment les émotions relatives aux différentes catégories de transformations alimentaires se construisent-elles socialement ? Et que ces émotions révèlent-elles de la société contemporaine ? En conjuguant sociologie de l’alimentation, sociologie des émotions, sociologie des problèmes publics et des controverses, la problématique de recherche articule l’analyse aux échelles macro-sociale, micro-sociale et individuelle. À la première, il s’agit de décrire les mécanismes de construction et de diffusion d’une préoccupation collective. À la seconde, il est question d’éclairer les enjeux sociologiques de ces émotions. À la troisième, la construction sociale de l’émotion est interrogée au prisme de la socialisation des individus et des effets de contexte.
Pour répondre à ces objectifs, 52 entretiens semi-directifs ont été conduits, des données ethnographiques ont été collectées au cours d’observations de repas à domicile et d’observations de repas filmés sur une plateforme expérimentale (une centaine d’heures d’observation), et 13 focus groups ont été menés à partir d’extraits vidéo de ces repas. Ces données qualitatives ont été complétées par l’analyse de documents politiques, médiatiques et scientifiques. La réflexion a été enrichie par l’analyse secondaire de données quantitatives issues d’une recherche pilotée par l’Ocha, le partenaire Cifre de la thèse.
Les termes d’aliments « transformés » ou « industriels » recouvrent plusieurs interprétations et renvoient à plusieurs réalités. Les conceptions juridique, paramédicale, culinaire, technologique, actorielle et quantitative de la transformation dialoguent, s’opposent et s’affrontent dans le monde social. Elles sont empruntées tour à tour par les différents acteurs, créant parfois des incompréhensions ou des débats.
La diffusion des préoccupations envers les transformations alimentaires industrielles est aujourd’hui intimement liée à la définition d’un problème public autour des aliments « ultra-transformés ». Des normes émotionnelles et représentations sociales conduisant à rejeter les aliments transformés de manière industrielle sont propagées au cours du processus de mise à l’agenda politique de cette question. Les débats sous-jacents à cette controverse traversent les arènes scientifique, médiatique, politique et industrielle. La diffusion de ces préoccupations produit une morale de l’émotion, dont la réception est différenciée socialement. Au niveau individuel, ces normes et représentations sont intégrées au cours de la socialisation, et sont activées ou non en fonction du contexte en cours. Les résultats mettent en évidence une forme d’accaparement des normes émotionnelles de rejet par les populations favorisées et des logiques de résistance dans les classes populaires, mais aussi dans certaines populations jeunes et diplômées. D’un côté, le rejet des transformations industrielles est un moyen de réaffirmer une position sociale, par l’émotion, tout en prônant un autre système alimentaire avec des rapports à la nature, à la technique et au temps différents. De l’autre, la transgression des normes émotionnelles dominantes vient marquer le désaccord avec des processus de moralisation vécus comme injustes, intrusifs et excluants. Exprimer de la peur, de la colère, du plaisir, de la curiosité ou du dégoût vis-à-vis des différentes transformations alimentaires est ainsi un moyen de tisser des relations, de marquer son appartenance sociale, d’affirmer des convictions, voire d’initier certains changements sociétaux. 
L’émotion apparaît comme une clé de compréhension des controverses et prises de position parfois mouvementées observées autour des transformations alimentaires industrialisées, et plus largement autour des questions posées par les transitions des filières industrielles.
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