Margaux Trarieux

Faire sa "Grande Ecole"

La construction sociale de la grandeur par les étudiantes et étudiants en école de commerce », réalisée en co-direction avec Marie-Anne Dujarier, Professeure des universités, Université Paris-Cité LCSP, et Marianne Blanchard (MCF HDR, UT2J, CERTOP), le vendredi 1e décembre à Paris Cité

Illustration pour le CERTOP-soutenance de thèse

Vendredi 1er décembre 2023

À Paris

Mots-Clés

> Sociologie clinique
> Grande école
> Élite
> Marchandisation de l’éducation
> Étudiantes et étudiants
> Processus sociaux et socio psychiques
> Carrière (concept)
> Performance
> Jouer
> Travailler

Composition du jury

Olivier COUSIN, Professeur des universités, Université de Bordeaux, Faculté de sociologie (rapporteur)

Christophe NIEWIADOMSKI, Professeur des universités, Université de Lille (rapporteur)

Hugues DRAELANTS, Professor, Université UCLouvain (examinateur)

Maud SIMONET, Directrice de recherche, Université Paris Nanterre (examinatrice)

Agnès VAN ZANTEN, Directrice de recherche, Sciences Po (examinatrice)

 

Résumé de la thèse

Cette thèse porte sur la construction sociale de la grandeur dans les “grandes écoles de commerce” et sur la manière dont les étudiantes et étudiants s’en saisissent au regard de leurs conditions sociales d’existence dans un contexte de marchandisation et de concurrence dans le champ de l’enseignement supérieur. Elle explore ce mécanisme à partir d’un malaise protéiforme exprimé par les élèves et à travers une enquête en sociologie clinique. Des entretiens ont été conduits auprès de 35 jeunes français en formation initiale rencontrés à plusieurs reprises, et d’enseignants, dans le Programme Grande Ecole (PGE) de sept écoles de commerce françaises membres de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE). Une étude sur les sites internet de ces écoles ainsi que des observations dans deux de ces établissements ont été menées de manière complémentaire. Ce travail contribue à la compréhension du processus de socialisation sur les campus. Il explore les interactions et les pratiques sociales des étudiantes et étudiants, leurs discours, leur système de représentations et de normes, et les rapports sociaux qui en découlent, par lesquels elles et ils acquièrent des dispositions. Il informe sur le rapport objectif et subjectif que les élèves nouent avec leur institution et ainsi sur la manière dont ces jeunes en formation sont à la fois produits et producteurs de leur école. Plus spécifiquement, cette recherche met en évidence comment ces écoles font commerce de leur grandeur auprès de leurs élèves qui établissent avec elles un rapport d’investissement multiple dont les bénéfices doivent compenser un sacrifice. De fait, la conquête de la grandeur, qui donne de la valeur sur le marché de l’emploi gestionnaire et assure une sécurité socio-professionnelle, repose pour les élèves sur un travail d’association, avec leurs pairs et leur établissement, teinté de sujétion. Ce travail s’effectue dans l’espace associatif, plus attractif que l’espace scolaire majoritairement désinvesti durant la première année d’études. Il s’établit sur une “carrière associative” instituée sur les campus. Son entrée repose sur des rites d’intégration et un processus d’acculturation dont les formes réelles varient en fonction des prédispositions sociales des élèves à la performance. Cette thèse se focalise sur celles et ceux qui sont sélectionnés par ce second concours intra-école et qui se mettent en activité dans les associations, et ce, de manière genrée. Ils et elles se disposent à “jouer”, “à fond” pour leur groupe, au point de travailler pour leur institution et coconstruire leur grandeur, celle de leur école et la leur propre. Les plus engagés sont celles et ceux pour qui l’orientation est vécue comme un coût économique. Aussi, par cette posture sociale et socio psychique ludique, ces jeunes vivent un processus de subjectivation tout en apprenant à manipuler le cadre associatif, à se soumettre à ses règles du jeu adaptées au champ gestionnaire et élitaire, et à invisibiliser les finalités de leurs actions sur les autres et sur le monde. Cette transformation est soutenue par l’idéalisation du groupe et la défense de ses pratiques, d’une part, par un encadrement libre des élèves gouvernés institutionnellement de manière “néolibérale”, d’autre part. Les enseignants, eux, travaillent à maintenir la grandeur académique dans et pour leur établissement. Ce travail, qui s’intéresse aux hommes et aux femmes qui à la fois investissent, fabriquent et représentent leurs “grandes écoles”, met finalement en lumière comment la mécanique de l’excellence, dans une logique marchande, est intriquée à une mécanique de l’alliance entre sujets et organisation.

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