« Qu’offre la demande ? Socio-économie d’une innovation par l’usager » CALVIGNAC Cédric

Thèse de doctorat de Sociologie Démographie soutenue en 2010 à l’Université Toulouse le Mirail, sous la direction de Franck COCHOY

Résumé :  Les acteurs de la demande prennent souvent part à la définition de l’offre. Leur présence au cœur du processus d’innovation industriel est évidente et ce qu’ils y soient simples objets de représentation, objets d’étude ou partenaires actifs. Les usagers sont donc, à différents degrés, impliqués dans la phase de conception des biens et services marchands.
Une fois ces biens et services mis en vente, les usagers continuent de les modeler à leur convenance. Ils réinterprètent à l’occasion les « scripts » de fonctionnement et d’usage établis ex ante par les professionnels de l’offre. « Bricolages » et « détournements » accompagnent donc l’adoption de tout objet technique. Ainsi, les usagers font montre d’une certaine faculté d’émancipation à l’égard des prescriptions de l’offre. Émancipation pouvant être totale si et seulement si les usagers deviennent par eux-mêmes autoproducteurs des biens et services dont ils souhaitent jouir. Tel est le point de départ de notre travail de recherche qui s’inscrit dans le prolongement des récentes études portant sur l’ « innovation faite par et pour les usagers ».
L’élévation de l’usager au rang de concepteur induit un questionnement d’ordre socio-économique sur la division du travail de recherche et développement entre les entités communautaires et marchandes et, par conséquent, sur la cohabitation de solutions libres et propriétaires. La thèse que nous développons ici consiste à dépasser l’antagonisme apparent entre communauté et marché pour rendre compte des liens multiples unissant usagers-innovateurs et professionnels du domaine. Nous défendons l’idée selon laquelle les frontières entre ces deux mondes antagoniques sont poreuses, perméables aux échanges transversaux. Nous déplaçant des coopérations techniques et aménagements commerciaux à la redéfinition des modes de mobilité professionnelle, nous irons à la découverte des lieux d’échange entre ces demandeurs qui offrent et ces offreurs devenus co-offreurs.
Notre étude porte sur les communautés wifi occidentales. Il s’agit de communautés animées par des passionnés d’informatique visant la construction d’une infrastructure réseau sans-fil. À l’instar de l’Open Source Software Movement, cherchant à sortir d’une logique propriétaire de création et distribution logicielle, l’Open Infrastructure Movement se tourne vers la démocratisation de l’accès à Internet et à l’interconnexion numérique libre. Les usagers-innovateurs, membres des communautés wifi, désirent s’affranchir de l’hégémonie marchande dans le domaine et, par une gouvernance collective, s’organisent afin de délivrer un service citoyen à très bas coût. Rencontrer ces usagers-innovateurs sans-filistes c’est — en somme — aller demander à la demande ce qu’elle offre de plus que l’offre.

Jury :
Madeleine AKRICH, Directrice de recherche, Mines ParisTech, CSI
Franck COCHOY, Professeur, Université Toulouse II, CERTOP (directeur)
Patrice FLICHY, Professeur, Université Paris-Est Marne la Vallée, LATTS (rapporteur)
Stéphane GLAZIOU, Chef de projet et études stratégiques, Orange Labs, SIRP-SOL
Alexandre MALLARD, Maître de Recherche, Mines ParisTech, CSI (rapporteur)
Anne SAUVAGEOT, Professeur, Université Toulouse II, LISST-CERS

mise à jour janvier 2010