« Sociologie de l’alimentation de rue. La socialisation alimentaire aux seuils des espaces « publics » et « privés » dans les kampungs à Jakarta. »ARCINIEGAS Laura

« A sociology of street food. Eating socialization at the thresholds of “public” and “private” spaces in Jakarta’s kampungs. »

Thèse de doctorat en sociologie soutenue en mars 2019 à l’Université Toulouse Jean Jaurès, sous la direction de Jean Pierre Poulain,

Jury :
Nicolas Bricas
, Chercheur, CIRAD, UMR Moisa
Charles-Édouard de Suremain, Chercheur, IRD/MNHN – « Patrimoines Locaux et Gouvernance », UMR 208 (rapporteur)
Muriel Figuié, Chercheure, CIRAD, UMR Moisa
Dominique Desjeux, Professeur des Universités, Université Paris Descartes, CEPED UMR196 IRD (rapporteur)
Manuelle Franck, Professeure des Universités, Présidente de l’INALCO
Jean-Pierre Poulain, Professeur des Universités, Université Toulouse – Jean Jaurès , CERTOP UMR5044

Résumé : Dans les kampungs pauvres de Jakarta, le modèle alimentaire est caractérisé par des consommations fréquentes et plutôt solitaires, par le recours majoritaire et quotidien à l’alimentation de rue et par un affaiblissement des pratiques culinaires dans le foyer. Le système alimentaire est intégré au réseau économique informel et s’inscrit dans le contexte typique des slums des villes du Sud Global caractérisé par l’hybridité entre les modes de vie urbain et rural, par de fortes densités à l’échelle du foyer et du voisinage, et par l’intégration spatiale des différents domaines de la vie (résidence, travail, religion, éducation, vie publique et sociale). Cette thèse a pour objectif d’apporter des éléments explicatifs depuis la socio-anthropologie des relations entre les modes de socialisation alimentaire et les configurations de ces espaces de vie. Suivant trois axes analytiques (social, économique et spatial), une enquête ethnographique composée de plusieurs méthodes et une enquête quantitative représentative de la population adulte d’un kampung ont été menées. À travers l’analyse de ces données ce travail démontre la pluralité des itinéraires alimentaires journaliers et présente un mangeur autonome autant dans ses choix alimentaires que dans les temporalités. Cette autonomie est renforcée par des préférences pour l’achat de produits prêt-à-manger et s’articule autour de la valeur sociale des échanges entre vendeurs et acheteurs. La morphologie sociale du kampung se caractérise par des liens de voisinage, de parentèle et d’interconnaissance construits sur les traces des migrations qui ont composé la population et qui se renforcent par la situation de précarité. Les frontières entre les espaces privés et publics s’estompent au profit d’une communalisation des ressources où les relations entre mangeurs et vendeurs dépassent les liens marchands pour s’ancrer plus profondément sur la solidarité et le sentiment d’appartenance. Le changement social que connaissent certaines familles se manifeste par l’accentuation matérielle et symbolique de la frontière entre le monde « public » et « privé » et par des socialisations alimentaires qui ont lieu désormais à l’extérieur, dans la kota.

Mot-clés : Jakarta, urbanisation, informalité, pauvreté, changements alimentaires, socialisations alimentaires, alimentation de rue.

Abstract: In Jakarta’s poor districts eating patterns are characterized by frequent and rather solitary meals bought and eaten in the street as a result of a weakening of at-home culinary practices. The food system is integrated to the informal economic network and is embedded in the particular context of Indonesian kampungs marked by a hybrid lifestyle between urban and rural; densely inhabited neighborhoods and homes; and by the spatial integration of different realms of life (home, work, religion, education, public and social life). From a socio-anthropological perspective, this thesis aims to provide explanatory elements regarding the relations between modes of food socialization and the configurations of these living spaces. Following three analytical axes (social, economic and spatial), an ethnographic survey composed of several methods and a representative quantitative survey of the adult population of a kampung were conducted. Through the analysis of the data, this research demonstrates the plurality of individual daily food itineraries and presents an autonomous eater as much in his food choices as in the temporalities. This autonomy is reinforced by preferences for the purchase of ready-to-eat products and revolve around the social value of exchanges between sellers and buyers. The social morphology of the kampung is characterized by ties of neighborhood and kinship built on the traces of migrations that have constituted the population and which are reinforced by the precarious situation. The boundaries between “private” and “public” spaces are blurred in favor of a communalization of resources, and the relations between eaters and sellers go beyond the commercial links to anchor themselves more deeply on solidarity and the feeling of belonging. The social change experienced by some families is manifested in the material and symbolic accentuation of the border between the “public” and “private” spheres and by food socializations that take place outside, in the kota.

Key words: Jakarta, urbanization, informality, poverty, food changes, eating socializations, street food.

mise à jour mars 2019/update march 2019