« La tarification incitative des déchets ménagers comme processus d’économisation ? Sociologie des « cadrages » et des « débordements » d’une politique publique. » NOUGAROL Renaud

Thèse de doctorat en sociologie, soutenue en novembre 2018, à l’Université Toulouse Jean Jaurès, sous la direction de Marie-Christine Zélem

Financement : Doctorant ADEME (promotion 2012), cofinancé par GIRUS et Plastic Omnium Environnement.

Jury :
Rémi BARBIER, Professeur des universités, ENGEES Strasbourg (rapporteur)
Philippe HAMMAN, Professeur des universités, Université Strasbourg (rapporteur)
Franck COCHOY, Professeur des universités, Université Toulouse – Jean Jaurès
Julien MILANESI, Maître de conférences, Université Toulouse III – Paul Sabatier
Laurence ROCHER, Maîtresse de conférences, Université Lyon 2 Lumière
Marie-Christine ZÉLEM, Professeure des universités, Université Toulouse – Jean Jaurès (directrice de thèse)

Résumé : En France, depuis la fin des années 2000, les pouvoirs publics tentent de généraliser la tarification incitative des déchets ménagers (TI). Il s’agit d’un système de tarification qui consiste à faire payer les usagers du service de gestion des déchets en fonction de la quantité de déchets qu’ils produisent. Néanmoins, la TI reste peu diffusée car sous-tendue par un certain nombre de problèmes d’ordre économique (investissements, équilibre budgétaire des collectivités locales), social (prise en compte de l’équité sociale) et environnemental (déplacements des déchets dans des endroits inappropriés) auxquels les acteurs chargés de sa mise en œuvre redoutent d’être confrontés.

En partant du triple constat que la littérature scientifique sur le sujet a essentiellement été du fait des économistes, que ces derniers ont généralement un point de vue favorable à l’incitation économique, et qu’ils disposent d’un place centrale dans l’action publique, cette recherche pose l’hypothèse générale du rôle des économistes dans la mise sur agenda de la TI en France par une dynamique de « cadrage » de ses « débordements » (de ses problèmes). Au croisement de la sociologie des sciences et de la sociologie de l’expertise, cette recherche analyse les mécanismes de « traduction » des travaux des économistes au sein de la sphère politico-administrative nationale. Elle défend l’idée d’un processus d’économisation caractérisé par des « traductions » successives avant et au cours du Grenelle de l’Environnement des travaux d’un organisme d’évaluation des déchets marqué par la présence de certains économistes et de certaines études économiques favorables à la TI. Ces « traductions » ayant été opérées par des députés communistes, cette thèse rejoint les différents travaux qui montrent que l’économisation ne peut se réduire à des liens organiques avec la doctrine économique libérale ou avec une forme de « néolibéralisme » qui constituerait la variable explicative du changement des politiques publiques. Aussi, ce travail écarte l’idée d’une « domination » de la part des économistes sur les chercheurs et les travaux d’autres disciplines donnant à voir une réalité de la mise en œuvre de la TI pour le moins « contrastée », cela en montrant la place qui leur est faite, l’univers des choix et les facteurs contingents qui leurs sont associés.

Par ailleurs, cette recherche s’intéresse à la mise en œuvre locale de la TI. En décrivant, dans le cours des actions, la manière dont les membres d’une collectivité locale ont mis en place leur projet de tarification incitative entre 2013 et 2016, le travail entrepris montre comment ceux-ci ont « géré » divers « débordements » relatifs à sa mise en œuvre. Sans chercher un point de vue critique, l’enquête donne à voir un regard nuancé sur la TI, fait d’une diversité de « problèmes » à prendre en compte, ce qui permet en conclusion de questionner la place et le rôle des différents savoirs sur la TI dans l’action publique, et de discuter de l’intérêt et des difficultés de les croiser.

Mots-clés : économisation, tarification incitative, déchets, environnement, politiques publiques

Abstract: In France, since the end of the 2000s, public authorities have been trying to generalize Unit-Based Pricing of household waste (UBP). It is a pricing system that consists in charging users for the waste management service depending on the amount of waste they produce. Nevertheless, UBP is not largely implemented because the actors responsible for its implementation fear being confronted to a certain number of economic issues (investments, local authorities’ budgetary balance), social issues (taking social equity into account) and environmental issues (moving waste to inappropriate locations).

Keeping in mind the triple observation that the scientific literature on this subject was essentially written by economists, that economists generally favour the economic incentive, and that they have a central place in public action, the general hypothesis of this research is about the role of economists and their studies to set the agenda of UBP in France by a dynamics of « framing » of its « overflowing » (of its problems). At the crossroad of the sociology of science and the sociology of expertise, this research analyzes the mechanisms of « translation » of the works of economists within the national political-administrative sphere. It defends the idea of ​​an economization process characterized by successive « translations » – before and during the Grenelle de l’Environnement – of the work of a waste-assessment organisation marked by the presence of certain economists and certain economic studies favourable to UBP. These « translations » have been carried out by Communist representatives, and this thesis is in accordance with the various works which show that the economisation cannot be reduced to organic links with the liberal economic doctrine or with a form of « neoliberalism » which would constitute the explanatory variable of public policies change. This work also discards the idea of ​​a « domination » by economists on researchers and the works of other disciplines which show a reality of the implementation of UBP at the very least « contrasted », by showing the place that is made for them, the realm of choices and the contingent factors associated with them.

In addition, this research focuses on the local implementation of UBP. By describing, step by step, how members of a local community set up their unit-based pricing project between 2013 and 2016, the work undertaken shows how they have « managed » various « overflows » related to its implementation. Without seeking a critical point of view, the survey tends to give a nuanced look at UBP, made of a variety of « problems » to be taken into account, which finally allows to question the place and the role of the different knowledge on UBP in public action, and to discuss the interest and difficulties of cross-reference them.

Keywords: economization, unit-based pricing, waste, environment, public policies

mise à jour octobre 2018