Éditions : Hermann, Coll. Cahiers d’histoire et de philosophie des sciences
Parution : février 2018, p. 312, prix : 32 €
ISBN : 9782705695736

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Présentation de l’ouvrage par l’auteur :

Pourquoi cet ouvrage ?

J’ai cherché à explorer un domaine de recherche un peu spécifique : la sociologie historique des sciences et des techniques. Ce n’est ni une discipline à part entière ni un véritable entre-deux entre l’histoire et la sociologie, mais plutôt un ensemble de méthodes, de pratiques qui sont mis en œuvre sur des terrains particuliers.

Le recours aux concepts, l’attention portée aux sources, le souci de définir et découper des objets sociologiquement et historiquement intéressants sont les principaux points d’appui de cette manière de travailler.

J’ai donc conçu l’ouvrage comme une sorte d’entrée en matière méthodologique pour faire de la sociologie historique des sciences et des techniques. Il s’inscrit pleinement dans le cadre des études sociales des sciences, et essaie de signaler et de baliser un domaine pour l’enquête souvent peu connu et mal défini.
C’est cet effort de définition que j’ai essayé de produire en l’écrivant.

Quels sont ses apports ?

Il s’agit de dépasser un certain nombre d’apories que l’on rencontre aussi bien en histoire des sciences qu’en sociologie des sciences.

Les tournants des Science and Technology Studies (STS) ont parfois fait long feu. Beaucoup de grandes innovations annoncées comme déterminantes se sont avérées être d’abord des jeux sémiotiques assez limités.

J’ai donc essayé d’envisager une réflexion qui intègre à la fois les avancées les plus significatives de l’histoire sociale des sciences, de la sociologie des champs scientifiques et de la sociologie pragmatique.

Je montre qu’à la condition expresse d’être précautionneux dans les constructions théoriques, il est possible d’articuler ces domaines pour comprendre comment se structurent et s’organisent les pratiques scientifiques.

Comment avez-vous construit votre raisonnement ?

L’étude de cas étant le meilleur moyen d’aborder concrètement la façon de faire de la sociologie historique des sciences et des techniques, j’ai proposé quatre études spécifiques.

1/ Les variations dans les usages des concepts marxistes (lutte des classes, déterminisme technologique…) pour penser les sciences et les techniques

Je montre que, selon les contextes, les références à Marx sont centrales pour défricher un champ de recherche (c’est le cas du savant soviétique Boris Hessen dans les années 1930 qui explique le succès des thèses de Newton par l’intégration de ce dernier dans la classe bourgeoisie désireuse de développer le commerce et donc de disposer de moyens scientifiques pour conduire les navires à bon port), ou au contraire controuvées (comme c’est le cas au début des années 1990 dans les STS où certains essaient de jouer Marx contre Marx pour penser le déterminisme technologique).

2/ Le concept d’épistémè forgé par Foucault (années 1960)

L’épistémè désigne la cohérence générale d’un discours savant pour une époque donnée (y compris dans les contradictions qui peuvent naître). Foucault impose des règles très strictes pour faire jouer le concept d’épistémè. En particulier, il soutient que l’épistémè d’une époque est incompréhensible dans sa structure profonde à une autre époque.

En recomposant les lectures et critiques successives de ce concept, ainsi que ses réemplois, je montre que le projet foucaldien de faire disparaître l’auctorialité est l’une des raisons de la difficile saisie du concept d’épistémè.

3/ Une réflexion sur la façon dont l’État construit des savoirs pour gouverner

Ce que je nomme le régime régulatoire rassemble des pratiques scientifiques spécifiquement organisées pour et par l’action publique. Fondé sur une bureaucratie spécifique, des luttes professionnelles intenses, un recours au droit et des valeurs distinctes (le service public, le bien commun), le régime régulatoire produit un ensemble identifiable de connaissances.

4/ La construction de ce régime régulatoire, pour la France, depuis le 16e siècle

D’abord appuyé sur les savoirs du territoire qui assoient la souveraineté d’un État (la frontière, le cadastre pour l’impôt), le régime régulatoire est ensuite réorienté vers des pratiques de contrôle et d’encadrement des populations à partir de la fin du 18e siècle : gestion des maladies, surveillance des opinions politiques (ce qui amène le développement d’une science politique) structure l’action publique. Enfin, à partir de la fin du 19e siècle, la production de normes (pour l’environnement, pour l’heure…) définissent un nouveau rapport entre l’État et la science.

En conclusion

Dans le prolongement de mon habilitation à diriger les recherches (2014, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), j’ai construit ce livre comme une invitation à poursuivre et étendre les pratiques de la sociologie historique des sciences et des techniques. Les études de cas présentées font partie de celles qui sont le moins attendues (l’histoire des concepts, les structurations des modes de gouvernement de la science), mais il existe bien d’autres domaines (l’histoire des lieux de sciences, des communautés de chercheurs, des instruments…) qui peuvent et doivent être investis par cette pratique de recherche.

Cet ouvrage pourra intéresser à la fois les historiens et les sociologues des sciences, mais également tous ceux qui s’intéressent aux croisements disciplinaires et aux tentatives d’articulations entre grands domaines de savoirs.


Jérôme Lamy est historien et sociologue des sciences. Chargé de recherche (HDR) au CNRS, membre du CERTOP, ses domaines de recherche sont la sociologie des activités spatiales, la sociologie historique des politiques publiques de la recherche, l’histoire et la sociologie des sciences humaines et sociales.
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Contact : jerome.lamy@univ-tlse2.fr