«Administrer les bien-êtres juveniles. Le Contrat Educatif Local: l’émergence d’un mode de gouvernement local du social.» Ingrid VOLERY
Thèse de doctorat de sociologie, soutenue en 2005 à l’Université Toulouse Le Mirail, sous la direction de Daniel FILATRE
Résumé : Cette thèse montre comment une politique éducative locale émerge de prestations de service composites, déployées à la croisée de plusieurs secteurs d’intervention (périscolaire, loisir, action socio-familiale, politique de la ville).
A son origine se trouve pourtant un dispositif plutôt technique. Initié par l’Etat en 1998, le Contrat Éducatif Local (CEL) doit rationaliser les animations proposées aux publics âgés de 3 à 18 ans (CLAE, CLSH, espace jeune), puis coordonner les interventions des multiples acteurs y participant (Inspection Académique, CAF, services déconcentrés de Jeunesse et Sports, collectivités territoriales, associations). Tout au plus entend-il organiser les espaces laissés par l’école et ceux conquis par les collectivités territoriales. Pourtant, un tel contrat n’invite pas seulement à réarticuler des agendas sectoriels. Il met en jeu la capacité des partenaires à maîtriser les processus de désignation des enjeux éducatifs locaux, appelant une prise en charge publique. De ce point de vue, l’analyse du diagnostic territorial préalable souligne deux transformations, affectant à la fois l’intervention sociale et les modes de gouvernements locaux y afférant.
En premier lieu, les travailleurs sociaux et les animateurs impliqués ont formalisé un travail « éducatif », préalablement convoqué par des décideurs locaux soucieux de développer des actions préventives. Au « surveiller » des politiques sécuritaires s’ajoute ici « un veiller sur » le développement des aptitudes juvéniles à se mettre en projet, à se contenir, à opérer un travail sur soi. Déliée des cadres politico-institutionnels, cette administration des bien-êtres se loge au plus près des situations et échappe à un contrôle direct. Le « retour sur le politique » en est donc considérable. Dans ce contexte particulier, la coalition de pilotage constituée ne doit pas seulement structurer et réguler les négociations. Elle doit aussi intégrer ces lieux où la définition d’un domaine éducatif s’opère. De simple cadre partenarial, ce diagnostic devient alors une véritable arène politique, dans laquelle chacun entend retrouver prise sur l’institutionnalisation de ce secteur émergent. Sous cet angle, le cas du CEL toulousain éclaire une autre facette du gouvernement local, tel qu’il se déploie dans un contexte d’action publique territoriale. Loin du no man’s land trop souvent décrié, sur ces zones érodées émergent des formes politiques qui, bien qu’inattendues, ne doivent pas moins en être prises au sérieux.
Mots clefs : politique éducative, prévention sociale, gouvernement local, constitution des problèmes publics.