Programme

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Inscription gratuite mais recommandée, merci

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9h : Accueil des participants

9h30 – 10h15 : Stefano UGOLINI, Maître de conférences en sciences économiques, Sciences Po Toulouse, LEREPS

La coévolution des futurs et des passés économiques

10h15 – 11h : Gaël PLUMECOCQ, Chargé de recherche en économie, INRA Toulouse

Temps, économie et environnement. Une mise en perspective à partir de la socio-économie écologique

11h – 11h15 : Pause

11h15 – 12h : Olivier PILMIS, Chargé de recherche CNRS, sociologie, CSO

Ce que se tromper veut dire. Les enjeux de « l’erreur » dans le monde de la prévision macroéconomique

12h – 12h45 : Thomas ANGELETTI, Post-doctorant, Max Planck Institute for the Study of Societies, Germany

Comment garantir l’avenir ? Conflits autour du Libor et division des responsabilités

12h45 – 14h00 : Buffet (salle F315)

14h00 – 14h45 : Martin GIRAUDEAU et Frédéric GRABER, Lecturer, Department of Accounting, London School of Economics / Centre de recherches historiques (EHESS-CNRS)

Les projets : une histoire politique (17e-21e siècles)

14h45 – 15h30 : Frédéric GRABER, Chargé de recherche CNRS, histoire, Centre de recherches historiques, EHESS-CNRS

Anticipation savante dans les projets d’adduction d’eau aux 18e et 19e siècles

15h30 – 15h45 : Pause

15h45 – 16h30 : Franck COCHOY, Professeur de sociologie, Université Toulouse – Jean Jaurès, CERTOP

Des vertus du design intelligent laïc : comment l’entrepreneur Howard Head a façonné le futur pour le marché du ski (1947-1949)

16h30 – 17h15 : Roland CANU, Maître de conférences en sociologie, Université Toulouse – Jean Jaurès, CERTOP

Lire l’avenir économique dans la presse journalistique


Présentation

La maîtrise du temps, autant que son accélération, figure parmi les caractéristiques de la modernité. Elle renvoie à un processus, la rationalisation des activités humaines, bien connu des sociologues, notamment depuis les travaux de Max Weber. Agir rationnellement dans le présent, c’est élargir le bornage des temporalités de l’action et anticiper les conséquences possibles de ses actes dans différentes représentations de l’avenir. Cette volonté de maîtrise et de contrôle contribue à désacraliser le futur. Désormais, et même si bien sûr les deux cohabitent, les prédictions eschatologiques se trouvent en effet largement contestées et noyées par/dans les prévisions scientifiques, raisonnées et calculées qui alimentent un véritable « marché du futur ». Alors que les premières acceptent un découplage net entre présent et avenir – focalisant davantage sur la survenue d’un événement inattendu –, les secondes reposent justement sinon sur une linéarité du temps du moins sur un couplage logique entre plusieurs séquences temporelles. La prévision vaut, de ce point de vue, essentiellement par la robustesse mesurée du lien qu’entretiennent passé, présent et futur.

Si les sciences humaines et sociales manipulent ce dernier avec une certaine prudence, le plus souvent soucieuses d’en rester à l’étude objective des faits observables et d’éviter une confrontation trop brutale avec leur limite prémonitoire face à des objets d’étude parfois lunatiques, d’autres ont à l’inverse valorisé cette capacité à prévoir. Que la science économique soit de celles-là n’est pas surprenant, pour deux raisons au moins. D’une part, parce que l’univers économique (entendu au sens large d’économie-discipline et d’économie-pratique), à l’instabilité pourtant endémique, est gouverné par un impératif de prévision. Une action intéressée n’est en effet rationnelle dans le présent qu’à l’aune d’une représentation de sa rentabilité future tout à la fois déterminée (par l’action dans le présent) et déterminante (pour l’action dans le présent). Dans le premier cas, le lien engage un travail susceptible d’établir les contours d’une prévision pertinente à partir des actions déjà menées ou sur le point de l’être ; dans le second cas, il engage un travail d’appariement entre la prévision établie et une activité en train de se faire. D’autre part, le rapport privilégié qu’entretient l’économie et son avenir n’est pas surprenant parce que la fabrique d’un futur prévisible est adossée à la puissance de calcul déployée par les acteurs, quelle que soit leur taille, à la fois pour stabiliser des représentations fiables du monde déjà là et pour esquisser celles du monde des possibles. Ainsi, et parce que l’économie tout entière fonctionne comme un « dispositif de calcul », les acteurs qui investissent cet univers s’efforcent naturellement d’élargir les « espaces de calculabilité » et d’endogénéiser des avenirs dans leur équation, qu’ils cherchent à les décrire et/ou à les performer.

L’entrepreneur, le spécialiste marketing, le citoyen, l’économiste, le journaliste, le commerçant ou encore l’expert financier sont tous amenés, dès lors qu’ils parlent d’économie ou engagent une réflexion à son sujet, à concevoir des représentations de l’avenir, dans un cadre qui peut être à la fois ordinaire et pratique ou scientifique et théorique. Les puissances de calcul mises en œuvre et la légitimité des prévisions énoncées varient ici très largement en fonction de l‘ampleur des ambitions (micro-macro ; personnelle-collective), des compétences supposées de chacun et des métrologies convoquées et maîtrisées. Une anthropologie de la genèse des futurs économiques, telle que nous la proposons dans le cadre de cette journée, se traduit ainsi par l’étude de la pluralité des matrices cognitives et théoriques, des figures de l’expertise, des technologies et valeurs convoquées, des échelles de production (politiques publiques, stratégies d’entreprise, projets personnels etc.) qui sous-tendent la fabrique des prévisions.

Une telle focale retire l’exclusivité de cette fabrique à la science économique elle-même mais ne nie pas pour autant son rôle pas plus qu’elle ne refuse de le penser. Que les institutions, discours et représentants de l’économie-discipline occupent une place décisive – notamment dans la formulation de prévisions macroéconomiques – est en effet largement documenté et ne fait aucun doute. L’économie mainstream en particulier excelle dans la mise en scène des futurs fabriqués, dans sa capacité non seulement à orienter/performer d’autres discours (politiques et médiatiques notamment) mais aussi à invalider des propositions concurrentes et à s’octroyer un monopole de l’expertise. L’examen de la production de ce discours, de l’élaboration et de l’utilisation de savoirs, savoir-faire et outils par l’économie-discipline, se double ainsi d’une interrogation sur la ratification politique et sociale de certaines de ses représentations de l’avenir et sur la naturalisation des soubassements idéologiques qui les fondent.

Évoquer l’autorité de la science économique dans ce processus génésique ouvre sur un dernier enjeu qui relève de la diffusion des représentations du futur, quelles qu’elles soient, et de leur réception-acceptation par les publics. Comment sont mises en circulation et en marché (donc en concurrence) les traductions de ces avenirs ? Renseigner cet enjeu procède d’une double réflexion : la première renvoie à l’examen des médiations qui proposent/imposent certaines représentations à des collectifs de taille variable et assurent leur qualité perlocutoire ; la seconde renvoie, elle, à la structure des discours sur l’avenir, aux preuves convoquées dans l’argumentaire ou encore aux sources présentées comme légitimes pour asseoir la crédibilité des prévisions publicisées.


Lieu : Université Toulouse – Jean Jaurès, Nouvelle Maison de la recherche, salle E411 – Comment venir ?

Organisée par : LabEx SMS, programme Investissement d’Avenir DIACRE, CERTOP UMR5044 CNRS

Contact scientifique : roland.canu@univ-tlse2.fr

Organisation : christelle.abraham@univ-tlse2.fr

Inscription gratuite mais recommandée, merci


mise à jour 20 novembre 2015Photo : ©Aurélia Vernhes 2014