Éditions : Éditions de la Sorbonne, Coll. Homme et Société
Parution : janvier 2019, p. 180, prix : 19 €
ISBN : 979-10-351-0283-8

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Présentation de l’ouvrage par l’auteur :

Pourquoi écrire ce livre ?

Ce livre est un recueil d’articles et de chapitres que j’ai rédigés depuis une dizaine d’années autour des propositions théoriques et empiriques de Michel Foucault. Il m’a semblé qu’il existait chez le philosophe un projet général d’étude des sciences qui pouvait être reconstitué par fragments. Foucault n’a cessé de remanier ses approches, ses objets, ses lignes théoriques… Depuis l’Histoire de la folie jusqu’aux derniers volumes de l’Histoire de la sexualité, en passant par Les Mots et les Choses, l’Archéologie du savoir ainsi que Surveiller et punir, les savoirs sont au centre de ses préoccupations. Les opérations de connaissance que détaille le philosophe (par exemple les seuils de scientificité ou encore les régimes de vérité) m’ont paru être intéressantes pour explorer des situations ou des objets que Foucault n’avait pas initialement évoqués. Ce qui motive également cette mise à l’épreuve, c’est l’étonnante continuité d’une perspective politique sur les savoirs que le philosophe affine de livre en livre. Il ne s’agit pas pour Foucault de penser simplement l’articulation du savoir et du pouvoir. L’enjeu est bien plus fondamental que cela : il veut comprendre comment la production d’une connaissance peut constituer l’élément déterminant d’un pouvoir (sur les êtres et sur les choses).

J’ai donc rédigé ces différentes études pour éprouver les thèses de Foucault et pour reconstituer les mouvements épistémologiques qu’il trace autour des relations entre savoir et pouvoir.

A quels questionnements l’ouvrage tente-t-il d’apporter des éléments de réponse ?

Ce que j’ai cherché à faire c’est mettre à l’épreuve certains concepts (notamment l’épistémè) en étudiant des configurations spécifiques de leur usage. Je montre qu’un navigateur protestant du 16e siècle comme Guillaume Nautonier s’inscrit à la fois dans l’épistémè de la Renaissance centrée sur l’analogie et dans l’épistémè classique qui distribue les entités en différentes catégories. Foucault supposait que les épistémès étaient absolument étrangères les unes aux autres ; il maintenait que le passage de l’une à l’autre était brutal et sans retour. Je pense qu’il existe plutôt des périodes de mutation au cours desquelles les épistémaï coexistent brièvement. L’enjeu est moins de repérer des frictions éventuelles (les auteurs comme Nautonier ne travaillent pas spécifiquement à rendre cohérent les principes analogiques et ceux des catégories), que de comprendre quels sont les opérateurs concrets de cette concomitance soudaine. Dans le cas de Guillaume de Nautonier, son protestantisme, parce qu’il remet en cause des évidences théologiques ancrées, peut expliquer la jointure entre deux épistémès.

J’essaie également de comprendre, dans ce livre, comment Foucault a pensé l’émergence du libéralisme à l’époque moderne. Je reconstitue aussi les différents usages contemporains des concepts qu’il a développé autour du corps. Enfin, je détaille quelques éléments centraux de son épistémologie. Je m’intéresse en particulier à ce qu’il appelle les « régimes de vérité » qui sont des cadres à l’intérieur desquels les pratiques de véridiction déterminent la position des acteurs. On a parfois fait le reproche à Foucault d’être un relativiste dédaignant les catégories du vrai et du faux. Cela n’a strictement aucun sens. Le philosophe envisageait la vérité comme une pratique qui ne se restreignait pas au seul domaine de la science ; mais il ne refusait nullement à cette dernière la force du vrai.

Quels sont les apports de l’ouvrage ?

Foucault fait l’objet d’interprétations très diverses. Son œuvre se prête à ces usages multiples. J’ai tenté de travailler au plus prêt de ses textes, pour éviter les interprétations controuvées ou hasardeuses. C’est à partir de cette lecture serrée que j’ai envisagé des déploiements théoriques et empiriques plus variés. Les apports du livre se situent donc à la croisée d’une étude précise des productions foucaldiennes et des interprétations historiques, sociologiques et/ou anthropologiques que l’on peut en faire.

Comment avez-vous construit votre ouvrage ?

Comme il s’agit de textes précédemment publiés, j’ai cherché d’abord à les actualiser, à les affiner… Puis j’ai travaillé à la cohérence globale de l’ensemble. Il m’a semblé important de construire une progression logique dans la lecture : je commence par éprouver empiriquement des concepts foucaldiens, puis je propose des généalogies de certaines de ses propositions concernant le corps, enfin je détaille les appuis épistémologiques de ses travaux. L’enjeu est donc de donner à voir la fécondité des approches de Foucault, mais aussi certaines de ses limites dont il peut être productif d’étudier les confins.

A quel public s’adresse l’ouvrage ?

J’ai essayé de faire un ouvrage qui s’adresse à celles et ceux que le travail de Foucault peut intéresser. Comme je travaille à la jointure de l’histoire, de la sociologie et de l’anthropologie, je tente, dans le livre, de m’adresser à celles et ceux qui, dans ces disciplines, pourraient trouver des ressources utiles dans l’œuvre de Foucault.


Jérôme Lamy est historien et sociologue des sciences. Chargé de recherche (HDR) au CNRS, membre du CERTOP, ses domaines de recherche sont la sociologie des activités spatiales, la sociologie historique des politiques publiques de la recherche, l’histoire et la sociologie des sciences humaines et sociales.
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Contact : jerome.lamy@univ-tlse2.fr