« Des formes à consommer. Pensées et pratiques du design industriel en France (1945-1980). » Claire LEYMONERIE

Thèse de doctorat de sociologie, histoire des techniques, soutenue en décembre 2010, sous la codirection de Franck Cochoy, professeur à l’Université Toulouse II – Le Mirail (co-directeur de la thèse) et de Jean-Pierre Daviet, professeur émérite à l’Université de Caen

Financement : AMN (2004-2007), bourse Fulbright (2007-2008), ATER (2008-2010)

Résumé : La thèse retrace l’émergence en France d’une nouvelle activité professionnelle, bientôt dénommée « design », qui consiste à mettre en formes les produits de l’industrie. Il s’agit de comprendre la transition depuis une tradition des arts décoratifs liée aux savoir-faire et aux modes de production artisanaux vers un nouveau modèle de conception des formes adapté aux impératifs de la production industrielle.

La première partie de la thèse retrace l’action menée dans les années 1950 par deux associations de promotion des formes industrielles : Formes Utiles, héritière du mouvement moderne français de l’entre-deux-guerres, et l’Institut d’esthétique
industrielle, créé par Jacques Viénot. Le groupe Formes Utiles s’efforce de penser la continuité des formes entre artisanat et industrie et concentre son action sur l’éducation des consommateurs en présentant des sélections d’objets au Salon des
Arts ménagers. Les membres de l’Institut d’esthétique industrielle s’inspirent quant à eux du taylorisme pour penser la réorganisation du travail de conception des formes dans un cadre industriel et orientent leur action vers les producteurs, chefs
d’entreprises et cadres. C’est autour de Jacques Viénot, de son Institut et de son bureau d’études Technès que se constitue dans les années 1950 un milieu professionnel de l’ « esthétique industrielle », définie comme activité de conseil aux entreprises industrielles.

La deuxième partie de la thèse analyse l’ancrage incertain du design industriel en France dans les décennies 1960 et 1970. Cette période voit la création de nombreux bureaux d’études et l’élaboration de méthodologies de création qui permettent aux
designers d’accroître leur légitimité face aux industriels et face aux disciplines concurrentes que sont le marketing et la publicité. La création de nouvelles institutions de promotion (Centre de création industrielle, Conseil supérieur de la
création esthétique industrielle) ne suffit cependant pas à stabiliser une profession rétive à toute tentative d’institutionnalisation. Le fonctionnalisme, qui constitue le socle idéologique de la discipline, fait l’objet de remises en cause de la part de penseurs critiques : Roland Barthes initie une lecture sémiologique des objets, Jean Baudrillard
s’inspire du marxisme pour attaquer le rôle économique et social du design. Les designers français choisissent alors de puiser dans le modèle de l’école de design allemande Hochschule für Gestaltung (HfG) d’Ulm pour justifier leur activité. La
théorie des objets développée par Abraham Moles, Français enseignant à la HfG, rend compte de ce brassage de conceptions issues du structuralisme, de la phénoménologie et de la cybernétique. Les designers industriels se présentent alors comme des
concepteurs d’environnement, des représentants des consommateurs au sein des entreprises qui contribuent à assurer la transparence et la fluidité du marché. Le système informatique d’information sur les produits, mis en œuvre fugitivement au sein du Centre de création industrielle à la fin des années 1970, témoigne de
cette ambition. Des études de cas viennent compléter cette histoire en retraçant les conditions de la collaboration entre des bureaux d’études de design industriel et des entreprises du secteur du petit électroménager : Technès et Calor dans les années 1950, d’une part, Moulinex et Jean-Louis Barrault, SEB, Yves Savinel et Gilles Rozé dans les années 1970, d’autre part.

Mots-clés : Design industriel, électroménager, consommation

mise à jour 03 décembre 2010